Voyage dans la plus belle collection de musiques du monde, Ocora, avec Serge Noël-Ranaivo, coordinateur du label.
Depuis 1957, la collection de disques Ocora Radio France est spécialisée dans les musiques dites « traditionnelles », les musiques savantes et populaires des cultures du monde. Elle synthétise le collectage sur le terrain des expressions musicales les plus authentiques par le biais d’enregistrements en concerts ou en studio de musiciens ressuscitant d’anciennes traditions musicales. Parmi lesquelles on retrouve :
- Les musiques savantes et sacrées de l’Extrême-Orient,
- Les grands maîtres du sous-continent indien et de l’Asie centrale,
- Les traditions orales de l’Afrique sub-saharienne,
- Les musiques du monde arabe (méditerranéen et moyen-oriental) et des Amériques (latine et amérindienne),
- Les musiques traditionnelles européennes (de la Finlande à l’Espagne, de la Bulgarie à la France) qui ont fait ces dernières années l’objet d’une attention particulière
Accéder à l’ensemble de la collection sur Cézame
Pouvez-vous nous raconter comment et dans quelles circonstances est née la magnifique collection Ocora Radio France ?
À l’origine, il y a Pierre Schaeffer (1910-1995), compositeur considéré comme le père de la musique concrète et de la musique électroacoustique, mais aussi homme de radio. Il a notamment créé divers services au sein de ce qui deviendrait Radio France, dont l’un mènera à la création de la collection de musiques traditionnelles Ocora Radio France.
Elle apparaît ainsi en 1957 en Afrique, au pays Dogon, sous la tutelle de la Radiodiffusion d’Outre-mer qui allait devenir, en 1959, l’Office de Coopération Radiophonique dont « OCORA » est en fait l’acronyme ‒ un organisme public de formation des techniciens des radios des colonies françaises d’Afrique de l’Ouest qui allaient accéder à l’indépendance à cette époque.
L’ORTF (Office de Radiodiffusion-Télévision Française) créée en 1964, éclate en 1974 avec la séparation des activités télé et radio ‒ et ainsi la création de Radio France qui poursuit l’activité musicale non plus de « l’Ocora » en tant qu’organisme de formation mais de la « collection Ocora Radio France » de disques de musiques traditionnelles du monde entier.
Ils privilégient une approche « directe » de la musique (donner à écouter la musique telle qu’elle est) ainsi que patrimoniale (en ce sens où dès le départ il est clairement établi que toutes les musiques traditionnelles sont également dignes d’intérêt ‒ qu’elles soient populaires ou classiques, profanes ou sacrées). Aujourd’hui, Ocora est probablement le label le plus ancien au monde encore en activité ininterrompue depuis une 60aine d’années, consacré aux musiques traditionnelles.
Combien de pays dans le monde ont-ils ainsi été explorés ?
Dans les premières années d’Ocora, les disques étaient tous issus d’enregistrement de terrain consacrés aux musiques d’Afrique de l’Ouest et de Madagascar, puis dans les décennies suivantes le catalogue s’est largement ouvert à l’Asie et au Moyen-Orient en parallèle de l’activité de recherche académique française (archéologique, linguistique, historique et bien sûr ethno-musicologique) ‒ tout en s’ouvrant à d’autres sources d’enregistrements : disques enregistrés dans les studios de Radio France ou réalisés à partir d’enregistrements de concerts.
Ces 25 dernières années, période que j’ai couverte, ont consciemment mis l’accent sur les musiques européennes et d’Amérique du sud. À ce jour, la collection Ocora Radio France propose des musiques traditionnelles de 82 pays et/ou cultures musicales.
Quels sont vos coups de cœur ? Pouvez-vous partager avec nous une anecdote, un souvenir à propos de tel ou tel artiste ou album de la collection ?
J’ai bien sûr un large panthéon musical (qui se trouve être assez évolutif car nous produisons entre 5 et 10 titres par an), mais parmi les parutions récentes je citerais 2 titres qui me paraissent remarquables :
Le CD Suède Norvège – Norrspel (C 560260) qui propose des traditions d’instruments à cordes du Nord de l’Europe à travers répertoire et créations, pour des sonorités qui évoquent, le Baroque ou le Moyen Âge (on pense au film d’Ingmar Bergman Le Septième Sceau) ;
Le double CD Tibet – Monastère de Gyütö (C 561133-34) enregistré en 1975 par des moines issus de la première génération d’exilés tibétains en Inde, qui avaient accompagné le Dalaï Lama fuyant les persécutions chinoises. Une musique véritablement évocatrice, que l’on partage ou non l’idée de transcendance.
Ecouter et synchroniser l’album sur Cézame.
Propos recueillis par Fabien Bermant – Cézame Music Agency
Pour aller plus loin :
Retrouvez l’interview donnée par **Serge Noël-Ranaivo à Radio France.**